Après une première étape en Touraine pour couper la route en deux, direction la Bourgogne verdoyante en ce printemps ensoleillé, plus précisément le pays de Guédelon près de St Amand en Puisaye.
Nous sommes retournés à Guédelon pour suivre l’avancée des travaux de ce château philipien (modèle de château défensif pensé par le roi Philippe Auguste) du 13ème siècle.
Le Chantier de Guédelon
Nous en avions parlé lors d’un article précédent, c’est notre troisième visite de ce chantier de construction d’un château comme au moyen-âge (Mai 2009/Mai 2014).
Cette fois-ci on a réservé une visité guidée pour mieux comprendre le chantier, son histoire, ses implications.
La visite guidée
On a pris nos tickets en ligne, ça évite la queue et il y a une réduction si vous réservez au moins une semaine à l’avance, idem pour les visites ou les ateliers (à réserver en ligne aussi).
Nous attendons gentiment notre guide, on est couverts avec de bonnes chaussures, prêts à marcher.
La visite dure au moins 1h30, après comptez au moins deux heures pour faire le tour du site qui est très vaste.
Christian notre guide et charretier (il mène les chevaux lourds qui assurent le transport de tous les matériaux du site à l’aide de tombereaux) nous explique le projet de base.
Le projet Guédelon s’est fait sur le plan d’un château médiéval du 13ème siècle de type philippien (lien à suivre pour les amoureux d’histoire) qui permettait une protection forte avec peu de personnes. Ici il s’agit d’un petit château seigneurial, celui d’un chevalier autorisé à le construire par son suzerain.
Après les premières constructions en bois de châteaux défensifs dits châteaux à Motte, on arrive ici sur les 1ers châteaux en pierres composés de 4 tours rondes (moins de prises au projectiles) dont deux de flanquement, la tour de la chapelle, la tour maitresse et le logis seigneurial.
C’est la pierre de Guédelon, le grès ferrugineux, qui est utilisée, en majorité sur ce chantier.
Les plus belles pierres vont à la façade, le reste est mélangé au mortier de remplissage.
La pierre blanche est dédiée à la décoration, elle se taille plus facilement et est utilisée pour toutes les fenêtres et autres décorations.
Les pierres une fois taillées sont acheminées soit par les charretiers soit par les « cages à écureuils » (la grue du moyen-âge) qui peuvent faire monter 250kg de charge (pour une simple et 500kg pour une double cage).
Des échafaudages en bois fixés sur les murs permettent aux oeuvriers de travailler au fur et à mesure de l’évolution du chantier (les filets de sécurité ne sont pas d’époque mais la législation du travail s’applique tout de même sur ce chantier qui a plus de 70 salariés avec aussi chaussures de sécurité, lunettes de protection…).
Les trous de boulins (trous où se fixent les échafaudages) sont rebouchés au fur et à mesure et on peut voir en visuel les paliers du chantier. A l’époque ces trous étaient camouflés car ils auraient dévoilé des points de faiblesses.
Une partie des créneaux sont terminées, le seigneur de Guédelon n’est pas très riche mais il a pu penser un peu à l’esthétique en alternant pierre blanche et grès.
Grâce à notre guide, on comprend les enjeux défensifs de ce type de château. Pour cette époque sont utilisées des archères, elles permettent de tirer des flèches de nombreux angles.
On les trouve tout autour des tours pour avoir tous les angles d’attaques.
Il y aura deux entrées à ce château, la principale en cours de construction avec lourdes portes en bois et herses et l’entrée de « service » la Poterne, à l’arrière. On pourrait croire que c’est un point de faiblesse mais tout a été pensé et c’est Christian qui raconte.
Cette entrée permet de sortir ou de revenir au château discrètement, elle est accolée aux courtines Nord.
On pourrait penser que des assaillants pourraient faire le choix de l’utiliser et bien non:
- l’assaillant serait visible de loin,
- les archers depuis leurs archères ont une vue imprenable sur la porte,
- la porte de la courtine est verrouillée par une barre de bois et s’ouvre vers l’intérieur,
- l’assaillant se retrouve face à un escalier étroit peu propice au passage de chevaliers en armure,
- cet escalier tourne à angle droit et se termine sur un sas qui ne permet que le passage d’un homme.
En résumé vous avez peu de chance d’arriver vivant dans la salle du logis seigneurial. La défense, la protection sont essentielles à cette époque et ce type de château permet avec moins de 20 personnes de se protéger efficacement.
Nous clôturons la visite dans la cour avec des explications sur la géométrie et les méthodes de mesures de l’époque. La corde à nœuds (instrument de géométrie) et la pige (la règle des bâtisseurs) sont les outils de base de la mesure. On comprend le théorème de Pythagore en moins d’une minute!
Avec la pige (règle de 2cm de large et 30cm de long) les bâtisseurs déterminaient sur celle-ci, les unités de mesure pour le chantier, en pouce, paume, palme, empan, pied et coudé (le chantier était sûr d’avoir une mesure identique pour tous ). Si on disait d’un artisan, il a 10 piges c’est qu’il avait fait 10 chantiers.
L’atelier du trait en vidéo permet de comprendre toutes les méthodes utilisées pour la construction.
La visite du château
Dans la cour on réalise tout le travail effectué et il y a encore beaucoup à faire.
Le mortier est en cours de fabrication, la charretière et sa jument arrivent pour le chargement.
Ici c’est du mortier de parement.
On visite de nouveau le logis et sa « Aula« (salle principale où le seigneur reçoit, rend justice…) avec un plafond de toute beauté.
Tout l’étage est pavé avec les carreaux de pavement fabriqués sur place.
La chambre des invités de marques est décorée.
Les pigments des peintures ont été produits sur place et on peut voir leur fabrication sur la partie extérieure du chantier.
La chapelle est presque terminée, la voute est en place et décorée.
Seules ses fenêtres seront vitrées par des vitraux, à l’époque le verre coutait très cher.
La plupart des ouvertures étaient couvertes de parchemins huilés pour limiter les courants d’air et l’entrée de la pluie. Les charpentiers travaillent déjà sur la couverture de la tour qui est au programme de l’année.
Un dernier tour par les coursives car Jules veut tester les latrines.
Jules a testé pour vous, faut pas regarder en bas:)
Les latrines débouchent directement à l’extérieur du château.
Tout au long de la visite vous ne pourrez pas manquer les chevaux au travail. C’est Paloma, la comtoise qui œuvre aujourd’hui en tombereau.
Elle assure le transport de tous les matériaux, pierre, charpentes, mortier….
Grâce à un dressage tout en finesse (ma passion des chevaux prend le dessus), elle est capable d’effectuer un créneau impeccable pour récupérer du mortier dans la cour du château.
Les écuries, composées de boxes, accueillent entre 3 et 4 chevaux lourds et ils ont une pâture à l’orée du bois. Ils travaillent par roulement sur le site durant toute la saison.
On s’offre un chocolat chaud à « l’en-cas » (en avant du château) avant d’aborder le reste de la visite avec les ateliers et le Moulin.
Les ateliers de Guédelon
On repart par l’arrière du château pour voir l’atelier de vannerie, vous retrouverez les paniers à la boutique en sortant:)
La vannerie fournit aussi le chantier en panier de transport.
Les oies gardent les lieux et assurent le nettoyage!
Il y a aussi :
- les charpentiers qui fabriquent charpente et tuile en bois pour les divers ateliers.
- les forgerons pour les outils,
- les tuiliers qui fournissent carreaux de pavement et tuiles du logis.
- les cordiers, le potier, l’atelier des couleurs…..
Vous retrouvez tout l’artisanat de Guédelon et plus encore à la sortie du site dans une immense boutique où tous peuvent trouver leur bonheur (comme il y a beaucoup de scolaires il y a des souvenirs à petit prix).
Le moulin hydraulique
La route vers le moulin est un peu excentrée du site principal (500 mètres environ), elle prend bien 10 minutes mais on plonge dans la forêt verdoyante (site naturel protégé).
Le moulin a été construit juste après un étang pour bénéficier de son eau de débordement. Ce projet a pu aboutir avec l’aide de l’Inrap (institut national de recherches archéologiques préventives) pour construire un moulin hydraulique du 12ème siècle. Il s’agit de produire de la farine de blé et de sarrasin pour le fournil du château.
C’est la force hydraulique de l’eau qui est utilisée par le biais de retenus d’eau.
La roue à eau entraine un mécanisme qui fait tourner les meules qui donnent la farine (en simplifiant).
Et maintenant en image c’est encore mieux.
Si vous souhaitez en savoir encore plus j’ai trouvé cet article sur l‘archéologie expérimentale très complet.
On aime/ On n’aime pas
On aime
Une belle escapade printanière, verdoyante et la météo ensoleillée est un vrai bonus.
On en apprend toujours plus et on ne s’en lasse pas.
Prochaine étape participer aux travaux avec les garçons dès qu’ils auront 16 ans:)
On n’aime pas
Rien c’est top, le cadre, l’espace, la pédagogie mais les conditions climatiques peuvent vite changer la vision idyllique:)